POLITICA


Alăturați-vă forumului, este rapid și ușor

POLITICA
POLITICA
Doriți să reacționați la acest mesaj? Creați un cont în câteva clickuri sau conectați-vă pentru a continua.
Căutare
 
 

Rezultate pe:
 


Rechercher Cautare avansata

Navigare
 Portal
 Index
 Membri
 Profil
 FAQ
 Cautare
Navigare
 Portal
 Index
 Membri
 Profil
 FAQ
 Cautare

Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers -Sainte Jeanne d’Arc, l’immortelle héroïne (3/3)

In jos

Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers  -Sainte Jeanne d’Arc, l’immortelle héroïne (3/3) Empty Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers -Sainte Jeanne d’Arc, l’immortelle héroïne (3/3)

Mesaj Scris de monique_simion Sam Noi 15, 2014 6:17 pm

On a dit et l’on a répété souvent que la mission de Jeanne d’Arc expirait au pied de l’autel de Reims, que son devoir était de quitter l’armée et de rentrer sous la chaumière, de déposer le glaive et de reprendre le fuseau ; et parce qu’elle entra de ce moment dans la carrière des malheurs, on l’accuse d’être sortie de la voie que le Seigneur lui avait tracée.

Cette appréciation trop humaine, Messieurs, n’est pas fondée sur l’histoire. Après un examen scrupuleux et approfondi, je vois bien que c’était le désir de Jeanne de reprendre la douce vie du hameau ; mais je ne vois pas que ce fût son devoir (cette vérité a été solidement établie, et le préjugé contraire victorieusement réfuté par le chantre et l’historien de Jeanne d’Arc, M. Le Brun de Charmettes. Qu’il me permette ici l’expression de ma reconnaissance pour sa bienveillante amitié.)

Ses voix se taisent, mais son roi parle ; et pour celle en qui la religion de la seconde Majesté avait tant de puissance, je ne sache pas qu’à défaut du ministère des anges, le ciel pût s’expliquer plus authentiquement que par la bouche de l’Oint du Seigneur. Ah ! ne soyons pas de ceux qui ne se reposent point qu’ils n’aient trouvé des torts dans l’adversité, et qui imputent toujours des fautes au malheur. La théologie des amis de Job n’est pas celle des disciples de la croix.

Le christianisme repose tout entier sur le dogme de l’expiation, de la rédemption par la douleur.

Le Sauveur des hommes a peu agi et beaucoup souffert ; l’Évangile est concis sur Sa vie, prolixe sur Sa passion. Sa grande oeuvre, ç’a été de mourir ; c’est par Sa mort qu’Il a vivifié le monde. Or, si belle est la première et la plus fondamentale vérité du symbole chrétien, c’est aussi la première loi morale du christianisme que les disciples, et surtout les apôtres du Crucifié, continuent le mystère de Ses douleurs. Et si, parmi les enfants des hommes, le ciel se choisit des êtres privilégiés qu’il élève à la gloire d’être les instruments extraordinaires de Sa puissance et de Son amour, ce n’est qu’au prix de mille angoisses qu’Il accorde de telles faveurs.

De la grâce divine, plus encore que de la gloire humaine, on peut dire qu’elle vend chèrement ce qu’on croit qu’elle donne. La vie des hommes inspirés est un drame dont le dénouement est presque toujours tragique. Apprenez du grand apôtre quel a été le sort final de tous les prophètes : Lapidati sunt, secti sunt, tentati sunt, in occisione gladii mortui sunt : « Ils ont été lapidés, sciés, éprouvés de mille façons, décapités » (Héb., XI, 39).

Et si la religion de la croix atteignait déjà par de si terribles préludes les prophètes anciens, que dire de cette représentation vive et naturelle de Son agonie, de Son crucifiement et de Sa mort, que Jésus-Christ grave en traits si profonds dans le coeur et sur la chair de Ses apôtres et de Ses prophètes de la loi nouvelle, lesquels doivent accomplir en eux ce qui manque à la passion de Jésus.

Messieurs, un chrétien qui souffre, c’est Jésus encore qui souffre dans les membres de Son corps, et qui achève ainsi Son oeuvre de rédemption (Coloss., I, 24). Aussi, dans la balance divine, pour le salut d’un peuple, un martyr pèse plus qu’un héros : Melior est patiens viro forti, et qui dominatur animo suo expugnatore urbium (Prov., XVI, 32). LE BAPTÊME DE SANG EST INSÉPARABLE DE LA MISSION DIVINE.

Il le comprenait, ce pauvre père, ce bon Jacques d’Arc, quand, ayant entrevu dans un songe l’avenir merveilleux de sa fille, il disait : « Si je savais que la chose advint que j’ai a songée d’elle, je la noyerais à l’instant ». Dès le début, en effet, j’aperçois des indices trop significatifs. Jeanne seule ne les entrevoit que dans un demi-jour : précieuse attention de la providence, qui proportionne la lumière à la force, et qui craint d’oppresser la timide vierge si elle lui montrait du premier coup, comme autrefois à Paul, cette âme de fer, tout ce que sa mission doit lui apporter de douleurs ! (Actes, IX, 15). Ainsi que le jeune et naïf Isaac, elle chemine longtemps sans connaître le fatal secret qui la concerne. Mais, pour tout autre que pour la victime, comme il est évident, dès le départ, qu’elle marche vers la montagne du sacrifice ! Les deux saintes données à Jeanne pour conseillères et pour assistantes, sont deux vierges martyres (saintes Catherine et Marguerite). Pour toute récompense finale, ce qu’elles lui promettent, c’est de la conduire en Paradis.

Aussitôt l’école de la douleur commence. La pieuse enfant est méprisée comme une visionnaire, repoussée comme une intrigante, exorcisée comme une démoniaque ; elle a déjà versé bien des larmes, quand elle obtient d’être conduite à son roi. Là, nouvelles épreuves plus pénibles encore, soupçons injurieux, dédains humiliants, voyage à Poitiers où elle a tant à souffrir, plus effrayée qu’elle est des arguments d’une armée de docteurs que de l’artillerie d’une armée d’Anglais.

Puis, au fort même de l’action, et quand elle va être précipitée dans la gloire, voyez comme le ciel lui fait sentir que ce n’est pas elle qui agit, mais le bras divin qui agit par elle ; voyez comme la douleur précède et achète toujours le triomphe, afin qu’elle dise comme Paul : « Ma force n’est pas de moi, mais de Dieu : car, quand je suis faible, c’est alors que je suis forte : Cum infirmior, tunc potens sum » (II Cor., XII, 10).

C’était le grand et solennel jour du sept mai, celui qui devait immortaliser la jeune héroïne et décider la délivrance d’Orléans. Une grande victoire l’attend, elle le sait ; mais elle sait aussi depuis longtemps que son sang doit couler. Jésus combat par elle ; or l’instrument doit s’accommoder, s’approprier à la main qui l’emploie, et la main de Jésus a été transpercée. Au milieu de la bataille, un trait la frappe au sein et la renverse. Un instant effrayée, elle pleure ; ses saintes, qui l’avaient avertie, la consolent ; elle arrache de sa propre main la flèche qui l’a percée, et se met en prière. Et comme Dunois, désespéré, sonnait la retraite : « En nom Dieu, s’écrie-t-elle en se précipitant vers la Bastille, tout est vôtre, et y entrez ».

Tout à l’heure elle gisait dans son sang, et la voilà rayonnante de gloire. Sa blessure a été le signal de son triomphe ; c’est la force dans l’infirmité, la puissance par la faiblesse : Cum infirmior, tunc potens sum. Un autre jour, c’était devant Jargeau, elle s’élance la première à l’assaut ; une pierre énorme roule sur sa tête et la renverse dans le fossé. Un cri de triomphe a retenti sur le rempart ; l’épouvante a glacé les Français. Se relevant soudain plus fière et plus terrible : « Amis, sus ! sus ! notre Sire a condamné les Anglais ; ils sont tous nôtres ». Les Français se raniment, la place est emportée, et Suffolck n’a que le temps de faire un chevalier pour lui rendre glorieusement les armes. C’est toujours le dogme chrétien ; la mystérieuse PRÉPARATION du succès par le revers, DE LA VICTOIRE PAR LA DÉFAITE : Cum infirmior, tunc potens sum.

Mais si l’empreinte de la croix est ainsi marquée jusque sur l’épée victorieuse de Jeanne, que sera-ce maintenant que cette épée vole en éclats sans qu’on puisse la reforger jamais ? Si la phase glorieuse de sa vie n’est pas étrangère à la douleur, que sera-ce maintenant qu’elle entre dans la période de ses angoisses, maintenant que l’action cesse et que la passion commence ? « Je ne durerai qu’un an, et guère au-delà, disait-elle souvent au roi ; il faut tâcher de me bien employer cette année ».

Hélas ! ce beau mois de mai, qui l’avait vue victorieuse et entourée d’hommages dans Orléans, ne reparut que pour la voir captive à Compiègne. O Jeanne ! je vous aimais heureuse et triomphante, je ne vous aime pas moins, et je vous vénère davantage dans vos malheurs ! Vous avez été jugée digne, non seulement d’être l’instrument de Dieu, mais encore de Lui être offerte en holocauste (Actes, V, 41). Dieu ne manque pas de bras par qui verser le sang ; mais des victimes pures dont le sang répandu soit un sacrifice agréable à ses yeux, voilà ce que Dieu cherche. Il ne faut que des qualités telles quelles pour être un héros ; il faut des vertus sans tache pour être un martyr.

Tel est désormais le rôle douloureux de Jeanne. Depuis qu’elle a quitté Reims, la mandataire du ciel est redevenue une humble fille de la terre. Sa bravoure lui reste, son inspiration l’a quittée. Il est d’une grande âme, Messieurs, quand on a gouverné, de savoir obéir, et de n’avoir pas désappris la soumission dans le commandement. Notre héroïne, depuis que Dieu ne la conseille plus, se soumet aux conseils des hommes ; ce que d’autres décident, elle l’exécute, sans nulle indication de ses voix, ni pour, ni contre.

Et ici encore j’admire la délicatesse et la sainteté de la providence, qui dirigeait elle-même la guerrière, qui laisse marcher la victime. Quand Jeanne volait à la victoire, Dieu la conduisait par le bras ; quand elle s’achemine vers le bûcher, Dieu se voile pour un temps et retire son concours. Ainsi la sagesse divine est toujours justifiée dans Ses voies. Désormais les anges et les saintes martyres parlent à Jeanne de son âme, de ses malheurs ; ils ne lui parlent plus de ses exploits. Ce n’est pas seulement le glaive miraculeux qui s’est brisé dans sa main ; son étendard, son saint étendard, qu’elle aimait quarante fois plus que son épée, a roulé près d’elle dans la poussière.

Paris entend sa voix et la méprise impunément ; pour la première fois la victoire ne lui obéit pas. Blessée sous les murs de la grande cité, elle voudrait y mourir, et la mort est indocile comme la victoire. O journée fatale ! épreuve terrible ! L’envie de ses rivaux triomphe et s’exaspère ; ses amis hésitent et n’osent plus se prononcer en sa faveur. Tels sont les hommes ; sitôt que le succès manque, leur foi chancelle. Ainsi les apôtres, témoins de tant de prodiges authentiques, abandonnent et renient leur Maître « quand vient l’heure des méchants et la puissance des ténèbres » (Luc, XXII, 53).

Leurs convictions, si solidement établies, périssent avec leurs espérances. Sperabamus : « Nous espérions » (Luc, XXIV, 17), disent-ils ; ils se résignent à croire qu’ils ont été déçus. Ainsi Jeanne voit en un instant tout le passé de sa gloire s’effacer aux yeux des hommes ; le caractère surnaturel de ses expéditions les plus merveilleuses devient équivoque : Sperabamus : « Nous espérions ».

Mais ce n’est là que le prélude des douleurs. À peine un dernier rayon de gloire utilitaire est-il venu luire sur son front, qu’une autre lumière ne tarde pas à briller pour elle. Ses saintes lui ont annoncé sa captivité prochaine. À cette nouvelle, déjà pressentie, elle demande avec larmes de mourir plutôt que d’endurer une longue prison. Pour toute réponse, il lui est dit : « qu’elle prenne tout en gré, et que Dieu lui aidera ». Mon coeur se serre, Messieurs. La vierge qui avait délivré votre ville, qui avait rendu le courage aux guerriers et la couronne à son roi, est tombée entre des mains profanes. Jeanne, abandonnée des siens, et peut-être trahie, comme son divin Maître, est vendue à l’ennemi, vendue, elle, non ce qu’on vend un esclave, mais une tête couronnée. Une prison s’ouvre, prison affreuse, où l’attendent des supplices et des perfidies qu’on ne saurait redire ; prison dont les murailles ont des yeux pour la lubricité, des oreilles pour la trahison.

Un tribunal est érigé par la haine ; un autre Caïphe sollicite le privilège de s’y asseoir. C’est un évêque, un Français, je le sais ; n’en rougissons pas, Messieurs ; depuis longtemps il a renié sa patrie et s’est vendu à l’étranger ; on l’appelle Anglais, Bourguignon, on ne l’appelle plus Français. Les interrogatoires commencent.

Là, quel contraste ! D’une part, l’hypocrisie, la bassesse de sentiments et de langage, la servilité, la cruauté ; de l’autre, la franchise, l’élévation, la noblesse ; l’indépendance, la douceur. Cependant, combien Jeanne souffre, elle si pieuse, si délicate, si respectueuse ! Sans doute ses saintes viennent la consoler : « Je serais morte, dit-elle, sans la révélation qui me conforte chaque jour ». Mais à ces voix du ciel qui la rassurent, on oppose la voix de l’Église : comme si quelques âmes vénales, c’était l’Église.

L’Église ! elle parlera un jour, et l’on saura ce qu’elle pensait dans cette grande affaire. L’accusée invoque le pape, le concile : « Le pape est trop loin, lui dit-on, c’est à votre pontife que vous devez obéir ». Elle est, comme Jésus, interrogée, jugée, condamnée avec tout l’appareil des formes légales et le cérémonial imposant de l’orthodoxie. Mais Jésus était un Dieu ; elle n’est qu’une faible femme. Et si l’Homme-Dieu a frémi, si l’Homme. Dieu a sué une sueur de sang, s’Il a eu besoin qu’un ange vînt Le soutenir dans Son agonie, s’Il a demandé que le calice de la douleur passât loin de Lui, comment s’étonner du trouble de Jeanne, de ses craintes, de ses larmes, de ses hésitations passagères ?

Ah ! loin que je me scandalise de retrouver dans mon héroïne cette horreur de la souffrance et de la mort qui ne vient pas du préjugé, mais de la nature (Saint Augustin, t. V, Sermon CLXXII, 1), je m’intéresse à sa douce sensibilité, qui la rapproche plus de ma faiblesse, et qui donne plus de prix à son sacrifice et à sa résignation. « Si vos voix vous eussent commandé de sortir et signifié que vous seriez prise, lui dit le juge, y fûtes-vous allée ? – « Si j’eusse su l’heure et que je dusse être prise, je n’y fusse point allée volontiers, toutefois j’eusse fait leur commandement en la fin, quelque chose qui me dût être venue ». Retrouvez-vous ici le langage du Maître : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de Moi ! Cependant que Ma volonté ne Se fasse pas, mais la Vôtre ? » (Matt, XXVI, 39).

Jésus-Christ n’est pas de l’école des stoïciens ; Il sent vivement la douleur, et Il avoue qu’elle est un mal ; Il ne va pas au-devant d’elle, Il l’accepte. Jeanne se flatte jusqu’à la fin ; Dieu lui laisse cette dernière ressource des malheureux, qui est l’espérance. Par le martyre qui lui est prédit, elle entend ses douleurs présentes. Mais bientôt les illusions s’envolent ; un bûcher s’allume, et la victime s’avance en pleurant.

Pardonnez si j’insiste sur la conformité minutieuse des circonstances de sa mort avec celle du Sauveur des hommes : la ressemblance du disciple n’est pas un outrage pour le maître. Elle s’attendrit sur Rouen, comme Jésus sur Jérusalem ; elle prédit et déplore la perte de son juge, comme Jésus celle de Judas ; comme Lui, elle pardonne à ses bourreaux. Un instant encore la nature affaiblie succombe ; mais n’avons-nous pas entendu le Christ s’écrier avec l’accent d’une angoisse inexprimable : Eli, Eli, lamma sabacthani ? (Matth., XXVII, 46). Elle tient entre ses mains, elle couvre de ses baisers une croix, une pauvre croix de bois.

De nouveau, elle rend témoignage à la vérité de sa mission, à l’innocence de son roi. Au milieu des flammes, ses derniers soins sont des attentions de charité et de modestie. Les yeux toujours fixés sur le signe sacré, on l’entend invoquer avec larmes les benoîts anges, et les saints et les saintes du Paradis. Elle incline la tête, pousse un grand cri : Jésus ! Jésus ! Et du sein du bûcher, son âme, comme une blanche colombe, s’envole vers les cieux… Eh quoi ! vous tremblez, vous pleurez, ennemis de la France ! Peuple de braves, vous avez brûlé une vierge de vingt ans ; n’êtes-vous pas fiers de cet exploit chevaleresque !

Oui, tremblez et pleurez, ennemis de la France. Vous avez vaincu : mais votre victoire, comme celle de Satan sur Jésus, est une défaite (I Cor., II, Cool. Vous avez cru n’être que des bourreaux, et vous étiez des sacrificateurs. Parmi ces tempêtes et ces orages, il fallait du sang pour apaiser le ciel et purifier la terre. La France est rachetée, puisque Dieu a accepté d’elle une vierge pour hostie : Sanguine placastis ventos, et virgine cæsa ; sanguine quoerendi reditus. (VIRGILE, Æneid.) Il est désormais permis d’espérer d’heureux retours de fortune. Il a raison, ce secrétaire du roi des Anglais qui s’écrie : « Nous sommes perdus, car nous avons fait mourir une sainte ! » Les cendres de Jeanne crient vengeance contre vous, pardon pour la France ; sa mort vous sera plus fatale que sa vie (Judic., XVI, 30).

Dans un même supplice, je vois trois triomphes : le triomphe de la France, le triomphe de la Foi, le triomphe de Jeanne.

Triomphe de la France. On apportait les clefs des villes sur le cercueil de Duguesclin, et le nom de Condé gagnait des batailles. Jeanne n’aura point de sépulcre ; son noble coeur, la seule partie que le feu n’ait pu détruire, a été jeté dans les flots. Mais son ombre, mais sa terrible image poursuivra les Anglais jusqu’à ce qu’ils soient refoulés dans leur île. « Je sais bien, disait-elle, que les Anglais me feront mourir, parce qu’ils croient pouvoir s’emparer de la France après ma mort ; mais seraient-ils cent mille de plus (Jeanne appelait les Anglais d’un surnom joyeux et militaire : Jeanne était Française, et jusque dans les fers elle avait la gaîté française), seraient-ils cent mille de plus, ils n’auront pas le royaume… Avant qu’il soit sept ans, les Anglais abandonneront un plus grand gage qu’ils n’ont fait devant Orléans ». Six ans ne s’étaient pas écoulés, et Paris, « ce grand gage », se rendait presque sans coup férir à l’intrépide Dunois. Bientôt Charles le Victorieux régnait sur tout le pays de ses ancêtres ; et un siècle plus tard, la blanche bannière de France, flottant sur Calais, laissait lire dans ses plis l’accomplissement de la parole prophétique de Jeanne : Les Anglais seront boutés hors de France. Une femme, une reine voluptueuse avait perdu le royaume ; une bergère héroïque, une vierge martyre l’a sauvé.

Triomphe de la Foi. Messieurs, dans cette invasion de l’Angleterre, notre nationalité n’était pas seule en péril. Dieu, qui rapporte tous Ses conseils à la conservation de Sa sainte Église, apercevait un autre danger.

La France possède un trésor plus précieux encore que son indépendance, qui nous est si chère à tous pourtant, c’est SA FOI CATHOLIQUE, SON ORTHODOXIE INTACTE ET VIRGINALE ; c’est ce trésor qui allait périr. Circonstance mémorable, Messieurs ! Devant le tribunal du Juge suprême des nations, l’Angleterre, en prononçant la sentence de Jeanne d’Arc, a signé, cent ans à l’avance, sa propre condamnation.

HÉRÉTIQUE, APOSTATE, SCHISMATIQUE, MALCRÉANTE DE LA FOI DE JÉSUS-CHRIST, tels sont les griefs inscrits, de par l’Angleterre, sur la tête de Jeanne. Ne déchirons pas cette inscription précieuse ; livrons-la à l’histoire ; elle pourra lui servir bientôt pour marquer au front une autre coupable, une grande coupable. Édouard n’a-t il pas déjà parlé de faire des prêtres anglais qui chanteront la messe malgré le pape ? Et, à la licence qui règne, ne sentez-vous pas qu’Henri VIII approche ? C’est à ce point de vue, Messieurs, que la mission de Jeanne s’élargit et. prend des proportions immenses. Que la France devînt anglaise, un siècle plus tard elle cessait d’être catholique ; ou bien, si elle résistait à ses dominateurs, elle se précipitait, comme l’Irlande, dans des luttes et des calamités sans fin. La cause de la France, au quinzième siècle, était la cause de Dieu, la cause de la vérité : et l’on a dit que LA VÉRITÉ A BESOIN DE LA FRANCE.

Ne vous étonnez donc pas que les deux plus illustres représentants de la monarchie catholique, saint Louis et saint Charlemagne (j’aime pour le grand empereur cette canonisation par la bouche inspirée de Jeanne), se soient émus au sein de la gloire, sur leur trône immortel, et qu’ils aient demandé un miracle pour la France. Ne vous étonnez pas si l’archange de la France est envoyé vers une vierge, et si cette vierge est choisie au pied des autels de Remy, l’apôtre des Français, de Remy « qui a sacré et béni, dans la descendance de Clovis, les perpétuels défenseurs de l’Église et des pauvres » (Bossuet, Polit. sacr., l. VII, art. 6).

Ne vous étonnez pas enfin si la mission de la libératrice de la France se termine par un grand et mémorable sacrifice. Au mal qui nous menaçait, il fallait un remède surnaturel ; quand la religion du divin Crucifié est en cause, les prodiges de valeur ne suffisent pas, il faut des prodiges de douleur. Ce sont encore nos ennemis qui l’ont proclamé, alors qu’ils se frappaient la poitrine en descendant de cet autre calvaire : « Elle est martyre pour son droict Seigneur ». Et si vous me demandez quel est son Seigneur, elle m’a appris à vous répondre que c’est Jésus-Christ.

Enfin, triomphe de Jeanne. Serai-je paradoxal si je dis que le supplice de Jeanne était nécessaire à sa gloire même temporelle ? Outre qu’elle y a conquis « ce je ne sais quoi d’achevé que le malheur ajoute à la vertu », sans le procès de Jeanne d’Arc, sans la procédure de révision qui en a été la conséquence, si l’héroïne, après le couronnement de Reims, était rentrée sous la chaumière de DomRémy, qu’elle y eût achevé ses jours dans les soins obscurs de la vie champêtre, Jeanne d’Arc serait pour la postérité, serait pour nous un problème insoluble. Des ombres douteuses se mêleraient aux rayons de sa gloire ; sa mémoire tiendrait un milieu incertain entre la légende et l’histoire. Le roman y gagnerait de pouvoir hasarder mille suppositions aventureuses ; l’oeuvre sainte et surnaturelle de Dieu disparaîtrait. Jeanne serait plus fêtée, plus célébrée des mondains et de ceux que l’Écriture appelle la faction des lascifs : factio lascivientium (Amos, VI, 7) ; les chrétiens, affligés, trembleraient sur la fin d’une vie que tant de gloire eût exposée à tant de séductions. Messieurs, même au point de vue humain, il n’y avait d’autre issue pour Jeanne que le cloître ou le martyre. Je me trompe : on eût douté de la sincérité des dispositions sorties du cloître. Chose admirable et providentielle ! L’événement le plus extraordinaire, le plus surnaturel qui figure dans les annales humaines, est en même temps le plus authentique et le plus incontestable.

Ce n’est pas seulement la certitude historique, c’est la certitude juridique qui garantit jusqu’aux moindres circonstances de cette vie merveilleuse. Oh ! qu’elle semblera grande aux âges les plus reculés, cette fille d’Adam en qui ses ennemis et ses juges n’ont pu découvrir une seule faiblesse ; dont la vie intime est aussi pure, aussi resplendissante que sa vie publique ; dont cent dix-huit témoins oculaires, parmi lesquels ses amis d’enfance, ses compagnons d’armes, ses serviteurs les plus familiers, ont révélé tout ce qu’ils savaient sans pouvoir révéler autre chose que des vertus ! Scribes de l’Angleterre, enregistrez ces dépositions ; conservez à la France les nobles paroles de Jeanne, ses réponses inspirées, ses solennelles prédictions : c’est de vos mains ennemies qu’est élevé le plus beau monument à la gloire de l’envoyée des cieux. O Dieu ! soyez béni ! Les juges qui prononcent la sentence de Jeanne ont écrit son absolution devant la postérité, comme les bourreaux qui la livrent aux flammes ont mis la palme céleste entre ses mains, et la couronne éternelle sur sa tête.

Et maintenant, Messieurs, je m’arrête ; et quand je jette un regard sur le chemin que nous avons parcouru, oh ! que j’aime à reposer mes yeux sur cette ville d’Orléans ! Orléans, où Jeanne ne trouva point d’incrédules ni d’envieux, mais où elle fut reçue comme un ange libérateur ; Orléans, où elle conquit ses premiers et ses plus doux titres de gloire ; Orléans, qui a toujours gardé dans son coeur la précieuse mémoire de Jeanne, et qui, après quatre cents ans, célèbre encore ses triomphes avec tant d’amour et de reconnaissance ! Français et catholique, avec quel bonheur, Messieurs, je suis venu payer ce faible tribut à votre libératrice, en présence (je regrette de ne pouvoir nommer un pontife si éminent, en qui j’eusse trouvé l’indulgence du génie) en présence de ce clergé vénérable, de ces illustres magistrats, de ces braves guerriers, de toute cette multitude enfin, dont la devise est toujours celle de Jeanne : RELIGION ET PATRIE.

Orléans, ton nom sera grand jusqu’à la fin des âges entre toutes les cités ! Ô vous qui écrivez les fastes de la France et de l’Église, aux noms de Clovis et de Tolbiac, de Charles Martel et des plaines de Poitiers, joignez les noms de JEANNE et d’ORLÉANS, noms désormais inséparables ; car Orléans n’a pas été seulement le théâtre des exploits de Jeanne, il en a été l’auxiliaire ; Jeanne a sauvé son pays et sa foi, et c’est à Orléans ; elle tenait le glaive divin, et Orléans, Orléans tout entier combattait avec elle. Chrétiens qui m’avez entendu, femmes, vierges, enfants de la cité, vos pères ont partagé la gloire de Jeanne, et ils vous l’ont transmise. Mais Jeanne vous a laissé un autre héritage non moins précieux : c’est celui de sa foi, de sa piété, de ses douces et aimables vertus. La religion n’a pas de plus séduisant modèle à vous offrir que votre libératrice. Ah ! qu’Orléans soit toujours la digne cité de Jeanne ! que Jeanne se retrouve, qu’elle vive, qu’elle respire toujours dans Orléans ! Que sa gracieuse et sainte figure resplendisse dans vos moeurs, qu’elle brille dans vos oeuvres. Marcher sur ses pas, c’est marcher dans le sentier de l’honneur ; oui ; mais c’est marcher aussi dans le sentier du ciel. Et les rigueurs dont Jeanne a été victime ici-bas proclament assez éloquemment qu’il n’y a rien de solide, rien de vrai, que ce qui conduit au ciel.

Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers – Prononcé dans l’église cathédrale d’Orléans, le 8 mai 1844 jour anniversaire de la délivrance de cette ville; tiré des Oeuvres épiscopales du Cardinal Pie, T. 1, pp. 1-31
monique_simion
monique_simion

Mesaje : 79
Data de inscriere : 23/09/2012

Sus In jos

Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers  -Sainte Jeanne d’Arc, l’immortelle héroïne (3/3) Empty SOURCE

Mesaj Scris de monique_simion Sam Noi 15, 2014 6:18 pm

Éloge de sainte Jeanne d’Arc – Abbé Pie, futur évêque et cardinal de Poitiers
[Trebuie sa fiti inscris si conectat pentru a vedea acest link]
monique_simion
monique_simion

Mesaje : 79
Data de inscriere : 23/09/2012

Sus In jos

Sus

- Subiecte similare

 
Permisiunile acestui forum:
Nu puteti raspunde la subiectele acestui forum